samedi 4 avril 2009

J'avais des étoiles plein les yeux

La vie est drôlement faite.

On naît dans une cocotte en papier où les seules possibilités sont :
1. Tu es mon amie
2. Tu es jolie
3. Tu es gentille
4. Tu es douce

Puis l'on grandit avec des tutus roses et dentelées. Nos chemisettes portaient des bateaux et des Mickeys et nos collants étaient bariolés jusqu'aux fesses. On passait nos journées à comptiner et à rondeler.
Notre frère Jacques ne faisait que dormir, d'ailleurs, il nous disait (Jacques a dit!) qu'il ne fallait pas faire de bruit parce que papa s'était mis à faire des gâteaux pendant que maman se ruait sur son chocolat.
On nous apprenait que les bateaux avaient des jambes, on se cachait du loup, on évitait de se faire manger par les crocodiles, on pispotait des carottes ou on regardait le cochon pondre des oeufs du haut du plafond.

Le matin, on se réveillait et sans le savoir, on allait passer une journée de fou à coller des poissons dans le dos des copains, à se raconter des blagues, à crier prems deums treums pour jouer à l'élastique.

On allait avoir droit à un dix heures, puis à un quatre heures. Et entre-deux, on allait fabriquer des bonhommes en pâte à sel, des sapins, des cendriers, des brolles et des brolliques pour le bonheur de la maisonnée.
Bref, on ne comptait pas les heures, d'ailleurs, on n'avait rien compris à l'horloge en carton avec ses aiguilles figées. Tout ce qui nous importait, c'était le jour où on avait gym, on allait faire Tarzan et son tour du monde, tout en cumulets, poiriers, saltos, flics et soleil.
Quand on retournait tout frais tout flamme en salle de classe, on assemblait des cubes et des parallélépipèdes rectangles pour former des maisons avec un grand jardin et haie à l'horizon.

On ne s'embêtait pas. Même quand on allait au coin, on avait quelque chose à faire. On pouvait recopier cent fois au choix:
"je ne bavarde pas pendant que madame parle",
"je me place dans le rang dès que la cloche sonne",
"je ne frappe pas mes camarades".
Bref, on avait l'embarras du choix d'exercer notre plus belle écriture sur un thème franchement simpliste.

Puis, on eut l'âge de faire des devoirs, de réviser que les stalactites tombaient des grottes et les dix provinces de notre cher royaume de Belgique avec ses chefs-lieux.

Et ça commençait à se corser avec les règles de trois et les preuves par neuf, mais pour nous apaiser, on nous a inventé les grèves de bus, de profs et c'est ainsi qu'on put continuer à se scotcher devant le Club Dorothée et suivre tranquilus-mordicus les épopées des chevaliers du Zodiaque.

Jusqu'ici, nos yeux pétillaient d'étoiles étincelantes au vu de toutes ces supercheries joliesses à la rose bonbon.

Puis un jour, sans prévenir, pas un pré-toc-toc à la porte, c'était un jour d'apparence régulière dans mon année de quatrième secondaire, tout a commencé à basculer.

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